Les bienfaits de la respiration complète
Publiée dans Infos Yoga de janvier/février 2016 n°105 et dans Bio Contact de mars 2016 n°266 par Emile Lozevis, enseignant de yoga et méditation
Les bienfaits de la respiration complète
sur les états de fatigue, chocs émotionnels, burn-out et dépression.
Par la pratique régulière et constante au cours de ma vie, j'ai pu constater que la respiration complète est une excellente méthode pour agir sur la fatigue, les épuisements, les chocs émotionnels et la consolidation de notre psychologie, en pratiquant les visualisations mentales de différents circuits sur le corps, avec l'aide de la respiration.
Que ce soit dans le yoga ou dans la méditation, la respiration est une clé et un support important pour favoriser l'exécution d'une posture en profondeur, ou dans la concentration d'une technique de méditation.
Description de la technique
Il est préférable de rester allongé sur le dos en savasana sur un tapis, jambes allongées, tête bien droite en appui ou non sur un coussin très fin, bras le long du corps.
Commencer à expirer en creusant l'abdomen. Ensuite, on commence à inspirer en remplissant la partie inférieure des poumons, en gonflant l'abdomen. Puis la cage thoracique s'étire à l'inspire jusqu'aux clavicules. A l'expiration, on relâche la cage thoracique qui s'abaisse, et l'abdomen se creuse. Puis on reprend le mouvement d'inspiration, et ainsi de suite.
Il est important d'observer l'air entrant dans les narines, sentir le flux de l'air à l'intérieur des narines puis du nez dans chacun des mouvements respiratoires. Laisser s'installer la respiration de manière fluide, et en même temps suivre mentalement le mouvement du ventre et de la cage thoracique comme l'ondulation d'une vague.
Peu à peu, ralentir progressivement l'expiration. À chaque cycle une transformation de la respiration apparaît, une sensation de fluidité. A ce moment là, les pensées du mental commencent à se dissoudre et on est transporté par la fluidité de la respiration qui devient de plus en plus consciente.
Il est intéressant aussi de faire des rétentions en fin d' inspire poumons pleins (kumbhaka) pendant 5 à 8 secondes, cela amplifie la sensation de fluide dans l'expire. Souvent, la respiration devient légère, elle agit sans effort dans la continuité de l'exercice, comme si il y avait une force de "propulsion naturelle" qui s'installait dans l’inspire et l’expire. La respiration se ralentit d'elle même avec de plus grandes amplitudes respiratoires et des instants de rétentions respiratoires . Être alors à l'écoute de ce qui vient et laisser faire amène à pouvoir rester dans l'exercice sans limite de temps.
Cela devient une méditation où le mental sans pensées est fusionné avec la respiration, créant un état de conscience modifié complètement absorbé.
Importance d'une pratique régulière
Dans cette pratique, de multiples perceptions sensorielles peuvent se produire dans le corps : lourdeur ou légèreté, chaleur ou froid, picotements, modification des perceptions du schéma corporel, concentration intense etc... Ce qui amène à vouloir prolonger l'expérience pour l'approfondir : ces perceptions aident le mental à mieux se concentrer dans le corps , pour atteindre alors une plus grande efficacité d'action sur le psychisme.
Quand on accomplit ce travail régulièrement, on peut baliser au cours du temps les niveaux de nos désordres psychologiques, un peu comme en médecine on utilise des marqueurs pour cerner les désordres d'une maladie, et en voir les améliorations. On peut mieux cerner ce qui était avant de commencer un tel travail sur soi, et appréhender ce qui a été transformé définitivement au bout d'un certain temps. Les états d'anxiété, d'angoisses, variations d'humeur, nervosité, impatience se dissolvent au bout d'une dizaine d'années de pratique pour ne plus apparaître bien qu'après chaque séance pour les débutants, ces désordres s'estompent pour quelques temps. Il faut beaucoup plus de temps pour que soit dissoute la culpabilité, car c'est une grande résistance enfouie dans le mental.
La culpabilité est un syndrome d'échec lié à la peur (du père, du chef, du patron...) peur de s'affirmer devant la rigidité d'une autorité : échec dans ce que l'on entreprend, peur de ce que l'autre va dire (qu'en-dira-t-on), on n'ose aller de l'avant, jusqu'au bout des choses. Tout cela entraîne du pessimisme et un état dépressif. Alors, bien souvent, à force de travail sur soi, c'est la confrontation à des évènements qui concrétise un changement qui s'est produit dans le psychisme. Par exemple, oser s'affirmer naturellement face aux hiérarchies qui imposent leur point de vue pas toujours bonnes dans une directive, être moins affecté par les diverses situations difficiles, être moins affaibli par les divers échecs que l'on peut subir au cours d'une vie. Une énergie dynamique apporte un changement : le travail sur soi accompli remet en route un fonctionnement comme si des "circuits" se rétablissaient à l'intérieur de soi, apercevoir la sensation de petites rivières énergétiques à l'intérieur du corps. Il est à noté l'importance du prâna dans la pratique du yoga.
A l'époque védique, dans les Upanishads(1), les yogis décrivaient l'importance de la respiration, avaient perçu l'énergie vitale(prâna) circulant dans les canaux subtils (nâdis), ainsi que le fonctionnement subtil de notre psychologie, de nos différentes "enveloppes" et découvert les chakras (roues ou centre d’accumulation d’énergie) . Sept principaux chakras, répartis le long de la colonne vertébrale à partir de la tête, distribuent l’énergie dans les nâdis (petits canaux subtils parallèles aux nerfs).
Jaya Seikar expliquaient dans des formations sur les chakras, que l'énergie du prâna (l’énergie vitale captée dans la respiration) circule dans ces nâdis, agissant ainsi sur le système nerveux central, les fonctions d'élimination, le système immunitaire etc... Donc j'ai bien vu que les perturbations psychologiques sont littéralement effacées du psychisme couche après couche, comme une gomme effacerait une épaisseur après l'autre au fil du temps, par un travail régulier.
Constituer un balisage en regardant ce qui fonctionne le mieux en soi à un moment donné donne du courage à sa pratique pour aller plus loin. Se sentir vainqueur de ses enchaînements constitue une joie pour réaliser les choses souhaitées dans la vie.
Résorption de la fatigue et des épuisements
C'est bien dans cette configuration régulièrement ce moyen, pour la seule raison qu'avec des horaires d'équipes irréguliers, ajoutés à beaucoup d'activités associatives, cela ne me donnait pas le temps de prendre suffisamment de sommeil et de récupérations. J'ai pu explorer cette technique sous toutes ses facettes et en tirer beaucoup de bénéfices. J'ai pu en mesurer l'importance et l'efficacité d'une technique qui a en parallèle modifié ma psychologie.
- Une technique consiste à visualiser d'abord mentalement des trajets sur les zones de la partie gauche puis droite de la cage thoracique, ensuite gauche et droite de l'abdomen, les plis de l'aine, et finir la visualisation dans les jambes jusqu'au bout des pieds. L'utilisation des trajets représentés sur les schémas m'a été inspiré par l'enseignement du père de Mathieu en Raja Yoga. Effectuer la respiration complète comme décrit précédemment. Ensuite, en inspirant, observer l'écoulement de l'air sur les parois du nez et en expirant, visualiser l'air comme un fluide, laisser écouler l'expire dans les zones du corps décrites ci-dessus. Faire l'exercice à plusieurs reprises.
Pendant l'exécution de cet exercice, il est possible de s'endormir lorsqu'on a un état de fatigue à résorber (surmenage par une activité pénible, ou manque de sommeil). La respiration menée consciemment provoque un état de détente profond, et agit sur le relâchement musculaire. Cela provoque une baisse de l'attention et de la concentration, on rentre alors dans une sorte de somnolence, puis dans un état de sommeil profond pendant un laps de temps qui dépendra des besoins du corps.
Au bout d'un certain temps, la récupération se fait, et de nouveau se produit l'état de vigilance en pleine conscience. A ce moment là, cet état devient plus éveillé qu'à l'ordinaire, l'état de concentration peut devenir plus intense pour continuer l'exercice. La respiration devient plus souple, plus malléable dans son ralentissement surtout à l'expire. Parfois, le ralentissement se fait de lui-même sans action volontaire, la rétention poumons pleins/poumons vides s'installe naturellement. Là on rentre dans une grande intensité de conscience qui peut durer tant que l'on souhaite rester dans l'exercice, comme si un automatisme s'enclenchait par une force extérieure conduisant la respiration. A la fin, la fatigue est totalement résorbée et le corps rempli de vitalité.
J'attire l'attention sur le fait qu'il faut laisser le corps s'endormir pour récupérer. En général, lorsque l'on part dans le sommeil, cela dure de 10 à 30 mns selon l'état de chacun, et l'on en sort avec plus de lucidité et de vigilance pour continuer. D'après une étude décrite dans le journal Sciences et Avenir (1) cela représente une cure de jouvence pour les neurones : 20 mns en sommeil lent et profond améliorent mémoire et créativité, et diminue les fortes émotions. J'ai effectivement remarqué que ce sommeil yogique me donnait plus de disponibilité pour accomplir diverses activités. Il est même conseillé, dans l'étude, de faire des siestes de 20 mns pour renforcer les fonctions cognitives du cerveau.
- Une autre technique consiste à expirer des épaules vers les bras, et finir l'expiration vers les mains, en conservant la même technique respiratoire que ci-dessus. Celle-ci serait peut-être plus facile pour certaines personnes qui arrivent mieux à focaliser leur attention sur ce trajet, en ressentant davantage le flot sensitif de la respiration qui envahit les bras comme une gaine entourant ceux-ci. Partant de là, l'expérience peut se propager dans tout le corps.
Cette technique ressemble beaucoup au drainage lymphatique : la prise de conscience des sensations créées régénère la vitalité du corps. Il est conseillé aux personnes en chimiothérapie de pratiquer ces exercices pour se remettre des états d'épuisement.
Chocs émotionnels
Dans un choc émotionnel provoqué par exemple par un licenciement ou une séparation, l'état psychologique est perturbé comme si on était coupé en deux. Il y a une sorte de vide énergétique dans le plexus solaire (région ventrale) et dans le cerveau. Le mental rentre dans un processus de rumination, la volonté en soi est amoindrie. J'ai constaté que le stress et les angoisses s'agglutinent dans le plexus solaire, et le mental s'en empare pour amorcer la rumination. Il faut s'installer dans la respiration complète et visualiser à l'expire la fluidité du trajet de la poitrine vers le plexus solaire, et rester au moins une heure dans l'exercice. Petit à petit, un courant d'énergie s'installe entre le plexus et le cerveau, il s'opère une dissolution progressive de la charge émotionnelle et ensuite, un processus de recharge psychique se produit dans le cerveau. l'état psychologique revient normal comme s'il ne s'était rien passé. Cela nous remet d'aplomb pour continuer à vivre normalement. Si l'état psychologique rechute, il faut recommencer l’exercice pour essayer de relativiser les causes du choc Conscientiser que c’est aussi l’opportunité de s’enrichir pour des expériences nouvelles ; peu à peu l’empreinte du choc disparaît au bout de quelques temps.
Burn-out et dépression
Être soumis à trop de sollicitations dans les responsabilités toujours croissantes du toujours plus demandées par les hiérarchies épuise l'énergie vitale du psychisme, suscite un sentiment d'échec et d'incompétence. L'anxiété peut survenir et occuper le mental. S'il n'y a pas de ressourcement, un dévissage se produit par épuisement, comme un lâcher-prise de la volonté qui conduit au burn-out et à la dépression.
Jacques Vigne, dans son livre Guérir l'anxiété (2) le mentionne comme suit : il se produit un déficit énergétique, l'insuffisance de la force énergétique ne permet plus de contrôler l'organique.
Devant ce type de conditions de travail, le ressourcement décrit par la technique de respiration sur les chocs émotionnels, évite de dévisser en conduisant à plus de réflexion, de disponibilité, de détachement face à l'ampleur de l'exigence. Ce type de pratique face aux pressions des responsabilités, permet d'assumer une à une chaque tâche et de rester maître face aux pressions reçues, :ne plus subir les peurs inconscientes, ne plus être lourdement affecté par les circonstances, développe une force en soi et empêche de sombrer.
Dans les perceptions sensorielles, une essence subtile devient saisissable dans la respiration et apparaît peu à peu dans la répétition de l’exercice pour s’amplifier comme un courant fluide qui circule partout dans le corps comme un réseau quadrillé, à l'identique d'un assemblage de ferraille fixé dans tous les sens dans la plate-forme d'un immeuble enduite de béton pour donner de la solidité à l'ensemble. De même, dans mon observation, j'ai noté que ces courants subtils reconstruisent et solidifient notre état psychologique en gommant toute forme d'instabilité en soi.
D’après les recherches des physiciens (4) sur les particules et la matière, le vide est un concentré de matière noire doté d’une force mystérieuse accélérant l’expansion de l’univers ; je pourrais extrapoler selon mon observation, le prâna pourrait être l'essence subtile de la matière noire agissant dans la matière du corps, et provoque le vide mental pour transformer notre psychologie.
Sri Aurobindo (5) (1872-1950) a développé le concept de supramental . Il écrit dans son livre La synthèse des yogas : "l'activité normale de notre mental est en grande partie faite d'une agitation désordonnée, elle est pleine de gaspillage et de rapides dépenses d'énergie en toutes sortes d'essais. Le prâna emplit tout le système nerveux et tout le corps matériel, détermine tout leur fonctionnement. Le prânayama (techniques de respiration) clarifie et purifie le système nerveux il permet de faire circuler l'énergie vitale de façon égale, dans tout le corps, et de la diriger aussi où l'on veut suivant ses besoins. Le corps physique reproduit la disposition du corps psychique avec sa colonne vertébrale, telle une tige et ses centres ganglionnaires semblables aux chakras qui s'échelonnent à partir de la base de la colonne vertébrale, tout au long, puis vers la tête"
DE TOUTES CES OBSERVATIONS, il faut reconnaître que quelque chose se passe entre les différents niveaux physique et physiologique, mental, émotionnel et psychologique. Le yoga participe de cette métaphysique subtile, en transformant en nous tout ce qui nous paraît "invisible", car il permet un gommage de nos états morbides. Au fil du temps, la pratique du yoga conduit à une amélioration et à un renforcement de la stature psychologique de l'Être.
Le yoga est une thérapie silencieuse, dont se sont inspirées des pratiques de développement personnel telles que sophrologie ou P.N.L. Puisse cela aider les personnes en difficulté. La persévérance dans le travail sur soi régénère notre véritable nature, pour que nous puissions agir avec Joie dans la vie.
Références :
(1) 108 Upanishads -Martine Buttex- Éditions Dervy. ch."yoga chudamani upanishad p1081.
(2) Sciences et Avenir -février 2014(les nouvelles découvertes sur le sommeil)
(3)Guérir l'anxiété -Jacques Vigne (éditions du Relié) p17
(4) La matière et ses ultimes secrets, science et vie, sept 2008 p.109
(5) La synthèse des yogas Sri Aurobindo - Éditions Buchet-Chastel p377, 383, 391.