L'homme dans l'univers

Publiée dans Le Journal du Yoga n°202
par Emile Lozevis, enseignant de yoga et de méditation

L’homme dans l’univers et son évolution possible par le yoga

Selon l’expérience de Sri Aurobindo, de la connaissance du Vedanta (1) et selon ma propre expérience d’enseignant, le yoga ne propose pas seulement de « retrouver un état de bien-être en soi », mais il permet d’aller plus loin dans le développement de notre psychologie.

Confirmé par le travail de personnes de plus en plus nombreuses de par le monde utilisant les différentes techniques de yoga, nous pouvons déjà avancer que, par la pratique, il y a une action sur un état modifié du mental qui apporte calme, sérénité, bien-être en soi, etc.

Comme l’indique le schéma ci-dessous qui synthétise les différents enseignements, et au regard de l’expérience des maîtres et de chacun, tous ces moyens existants, qu’il s’agisse du yoga ou de la méditation nous amènent à considérer qu’il faut entraîner le mental à une atténuation des pensées, bien souvent chargées d’émotions, comme les peurs, l’anxiété, etc. pour que l’on rentre dans un processus de lucidité.

Ce travail, selon Sri Aurobindo, commence par la transformation de la région vitale qui contient des éléments impropres à la nature humaine comme l’ego. Ils imprègnent le cerveau et agissent sur le mental sensoriel (manas). Cela fait tourner indéfiniment nos tourbillons mentaux (vritti). D’après les récentes recherches des neurosciences (2) les contenus psychiques néfastes restent en mémoire dans les zones du cerveau comme l’hippocampe et sont décodés comme menaçants par l’amygdale.
Le yoga offre des possibilités de régénérer notre vital. Suivant l’enseignement de Sri Aurobindo, il faut par tous les moyens rechercher le calme mental, car cet effet, à force de travail, agit sur la dissolution de ces contenus psychiques néfastes dans la région vitale, qui alors ne remontent plus au cerveau. Lorsque l’on ressent de la violence par exemple ou de la peur en soi, cela part du vital et envahit le cerveau, si bien que l’on ne peut plus se contrôler.
Derrière le calme mental, des flots successifs de courants de sensations ou descente de force des plans supérieurs (3), de paix profonde, peuvent inonder notre corps, et venir régénérer le vital. Des centaines d’heures de travail sont souvent nécessaires pour régénérer ce vital comme une cuve mise à neuf, pour retrouver une puissance d’action inébranlable Il faut pour cela développer une vitalité dynamique (titiiksha) (5) et une capacité d’endurance, qui génèrent le pouvoir de faire face et de surmonter tous les chocs de l’existence.

LE TRAVAIL DU SOUFFLE.

À travers les postures, les divers exercices de prânâyâma et de respiration peuvent agir sur le calme mental : lorsque vous ressentez une pleine conscience du souffle dans les narines, aussitôt le mental est absorbé dans le souffle et immédiatement un profond calme surgit. Parfois il y a dissolution complète des pensées. Ce prâna venant de la composante subtile de la respiration agit aussi sur la purification du corps subtil et du vital.
Dans ces circonstances de maîtrise, d’autres possibilités s’offrent à nous : on développe par exemple une acuité de conscience (buddhi). C’est une capacité de discernement accrue, au niveau notamment des perceptions, entraînant davantage d’intuition, d’inspiration, et parfois de révélation.

VIJNANA.

«C’est un mode de perception qui est la vision originelle, spontanée, vraie et complète de l’existence, il contribue à la connaissance de notre fonctionnement et également à la connaissance du monde et de l’univers ».
Sri Aurobindo le définit comme « mental intuitif » (4)
Avec ces instruments présents en nous, dans notre corps, cette pratique peut être une guidance pour nos interrogations, nos décisions, pour agir avec confiance dans la vie de tous les jours. Peintres, écrivains, artistes, chercheurs, inventeurs, etc. utilisent ces instruments sans le savoir. Les outils de yoga ou de méditation permettent de s’approcher du silence mental et d’attendre les réponses intuitives autour de nos questionnements sur un sujet prédéfini.

LES 3 GUNA.

Ils représentent la dynamique de l’énergie universelle comme les 3 modes inséparables et concomitants de la nature intérieure : équilibre (sattva), mouvement (rajas) et inertie (tamas). On peut être ballotté par les 3 modes, passant par des périodes d’état dynamique, de calme ou plus ou moins dépressif.
Le yoga travaille vers l’équilibre des mouvements, l’harmonie et l’état d’équanimité en soi. Sri Aurobindo dit que (3) les 3 guna peuvent être transformés et affinés en lumière spirituelle vraie (jyoti), en force tranquillement intense (tapas) et dans la quiétude et la paix (shama).
En suivant le schéma ci-contre, les forces de l’univers, réalité ultime (Brahman) transcendant notre être profond (atman), combiné avec le prâna, transforme le vital. Dans les structures du cerveau peut alors se développer une sorte « d’indifférence ». L’hippocampe ayant appris à oublier, il n’y a plus de menace dans l’amygdale. Le mental rentre dans un état de réceptivité et de disponibilité pour nos actions de vie, rendant vijnana et la buddhi fonctionnels pour « les impératifs de l’infini » (conscience cosmique) en développant nos potentiels.
L’idée est de souligner combien l’homme a une possibilité d’évolution pour s’extraire de ses enchaînements et laisser son ego de côté. Pour chacun d’entre nous, il est possible d’aller vers l’unité par la diversité, et de composer ainsi une société plus harmonieuse, plus égalitaire, et être plus heureux dans un environnement respecté.
Cette vision de Sri Aurobindo (6) et de bien d’autres peut être envisagée pour un futur plus serein.

(1) Philosophie indienne basée sur les textes, les Upanishad
(2) Les clés du contrôle de soi, science et Avenir, décembre 2018
(3) Lettres sur le yoga, édition S. Aurobindo Ashram, Pondichery, 5e partie
(4) Glossaire du journal du yoga, éditions Aurobhàshà, Auroville, mots sanscrits utilisés par Aurobindo.
(5) Journal du yoga, livre I, Aurobindo, éditions Aurobhàshà, Auroville
(6) l’évolution future de l’humanité, édition Sri Aurobindo Ashram